Une ville utopique, sans gouvernement et sans monnaie où toutes les cultures se rencontrent, existe-t-elle réellement ?
Une ville utopique
Situé en Inde, dans l’État du Tamil Nadu, le projet Auroville est engagé en 1964 par une Française de Pondichéry, Mirra Alfassa, appelée également La
Mère. Auroville est une idée de son mari décédé, Sri Aurobindo, et fait référence à sa pensée, un yoga dit intégral (à la fois physique et philosophique cherchant l’harmonie dans tous les aspects de la vie). La Mère a voulu réaliser cette expérience pour son mari, une cité universelle « où hommes et femmes apprendraient à vivre en paix, dans une parfaite harmonie, au-delà de toutes croyances, opinions politiques et nationalités ». Elle est décédée en 1973, mais Auroville a continué à se développer grâce à ses habitants après sa disparition. Elle a aussi bénéficié de l’aide de l’UNESCO et du gouvernement indien.
« La ville dont la Terre a besoin » est officiellement inaugurée le 28 février 1968. En 1973, la ville compte 1000 habitants tous de nationalités différentes. Ils aimeraient que cette ville accueille 50 000 habitants. Leur but est de créer une nouvelle humanité. Mais ce chiffre après avoir stagné quelques années, semble augmenter, car elle compterait aujourd’hui 3 734 habitants.
Auroville prend la forme d’une galaxie. L’architecte, Roger Anger, en dessine les premiers plans. Il divise cette spirale en quatre zones : résidentielle, culturelle, industrielle et internationale. Dans ces zones furent créer des « communautés » : Aspiration (la plus importante, comptant 75 membres), Fraternité (majoritairement indienne), Certitude (rassemblant des Européens), Dana (comptant principalement des Français). Il est également à l’origine des « maisons-sculpture ». En tout, la surface d’Auroville est de 2 000 hectares.
Le centre de la ville, le Matrimandir, est dédié à la méditation. Aussi appelé le lieu de La Mère, il représente le but et le but ne pourra se réaliser que si chacun suit un chemin plus spirituel que religieux. Ce lieu, construit par les pionniers en 1971, permettait de matérialiser leur union. Ensuite, la ville s’est construite autour. Il a permis aux premiers Aurovilliens de créer un lien avec les Indiens locaux et creuser, avec eux, des puits, construire des maisons mais, surtout planter des arbres qui les protégeraient du soleil.
Le racisme n’existe pas, tous sont sur un même pied d’égalité. « Ici vous n’avez pas d’exploitation de l’homme par l’homme » (habitant d’Auroville, 1973, Archives INA). Les religions, la politique, la pollution et l’argent n’existent pas, la première chose à laquelle ils doivent penser, c’est « Que dois-je faire pour survivre ici ? »
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Vivre à Auroville
Pour y habiter, ils ont cédé leurs biens. Ceux qui peuvent y venir sont des Hommes de bonne volonté et qui aspire à une vie plus haute et plus vraie. Le jour de sa création, le 28 février 1968, des poignées de terre venant de 124 pays ont été mélangés dans une urne de marbre pour symboliser cette unité. Cette urne serait le premier édifice construit. Ce jour-là, la Mère lut la Charte d’Auroville.
« 1. Auroville n'appartient à personne en particulier. Auroville appartient à toute l'humanité dans son ensemble. Mais pour séjourner à Auroville, il faut être le serviteur volontaire de la Conscience Divine.
2. Auroville sera le lieu de l'éducation perpétuelle, du progrès constant, et d'une jeunesse qui ne vieillit point.
3. Auroville veut être le pont entre le passé et l'avenir. Profitant de toutes les découvertes extérieures et intérieures, elle veut hardiment s'élancer vers les réalisations futures.
4. Auroville sera le lieu des recherches matérielles et spirituelles pour donner un corps vivant à une unité humaine concrète. »
Aujourd’hui, 50 % des Aurovilliens viennent de villages indiens aux alentours et les autres sont des personnes venant de 58 pays différents, les Français et les Allemands étant les plus nombreux.
Pour se nourrir, ils se rendent au supermarché « Pour tous ». Celui-ci leur permet d’acheter le nécessaire dont ils ont besoin, et non les produits qu’ils veulent, sans échange d’argent. En effet, ils vendent plusieurs types de riz, mais un seul spécimen d’essuie-tout parce qu’au final, ils ont tous la même utilisation. Ils ne payent pas, mais une employée en caisse note ce que la personne prend pour que celle-ci prenne conscience de ce qu’elle emporte et ce qu’elle laisse aux autres. En ce qui concerne le végétarisme ou le véganisme, ils sont populaires à Auroville, mais pas obligatoires.
Pour vivre plus simplement, ils se servent principalement de l’énergie solaire. Ils utilisent aussi un four solaire, qui n’existe seulement que dans 3 endroits différents : en France, au Texas et à Auroville. La chaleur reflétée sur les 1 100 miroirs, permet de créer un four qui fait cuire les plats de la grande cantine centrale, la « Solar Kitchen ». 1500 à 2 000 repas sont faits par jour et sont envoyés dans les écoles ou dans des lieux de distribution en plus de la cantine collective.
En ce qui concerne l’habitation d’une maison, celle-ci appartient à la personne durant 5 ans, puis si cette personne part, même temporairement, la maison aura un nouveau propriétaire. Même une personne très fortunée voulant se faire construire une belle maison ne sera jamais propriétaire de celle-ci. Elles sont construites à base d’éléments recyclés utilisés pour d’anciennes constructions et de terre d'argile. Enlever le droit de propriété d’une habitation permet de revenir à l’objectif de l’habitat : être un lieu d’accueil et d’hospitalité.
Pour traiter l’eau usée, ils utilisent des algues, mais celles-ci ont besoin d’une eau instable. Ils ont réussi à trouver un système pour faire balancer l’eau et celui-ci pourrait être utilisé à Pondichéry, la ville voisine.
L’eau est gratuite là-bas et elle a été purifiée et dynamisée, c’est-à-dire qu’après plusieurs recherches en laboratoire, elle a été modifiée pour être plus proche de l’eau que l’on pouvait trouver avant le pompage et le passage aux canalisations d' aujourd’hui. Plusieurs robinets ont été installés dans les villages voisins de cette nouvelle eau, gratuite elle aussi. Auroville est une ville écologique, mais les habitants ont pour but d’arriver à réduire leur surface utilisée pour arriver à un niveau écologique bien plus haut. Ils espèrent atteindre 55 % de surface naturelle.
La ville n'est dirigée par aucune personne en particulier, ils vivent tous en auto-gestion. Toute forme de société a été essayée, mais toutes ne conviennent pas à tout le monde, ils sont donc encore en recherche de la meilleure manière de gérer la ville. L’essentiel est que la communauté doit avoir un esprit collectif.
Mais cette vision d’Auroville est très controversée, car de l’extérieur, elle est vue comme une ville fermée, qui n’accepte que certains travailleurs et vit dans son monde. En revanche, elle n’ait pas vue ainsi par tous les Indiens habitant autour, certains ont même été influencés par cette manière de vivre.
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Une monnaie, oui, mais pas toujours
Les Aurovilliens gagnent une maintenance donnée par Auroville, qui leur permet de réaliser leur propre idéal. Ils ont effectivement le même but, mais pas le même chemin pour y parvenir. À hauteur de 8 486 roupies soit 100 €, elle est donnée aux Aurovilliens méritants qui participent au travail d’intérêt général. Beaucoup ont encore besoin de l’extérieur qui leur apporte des revenus nécessaires à leur aventure aurevillienne. Mais gagner de l’argent ne doit en aucun cas rester le premier moteur qui guide la vie.
Elle n’a pas de monnaie à proprement parler, mais elle produit pour vendre à l’extérieur, de l’encens et des poteries par exemple. Le travail est considéré comme une source d’épanouissement. Ils travaillent bénévolement dans quelque chose qui leur plaît. Chaque habitant se dévoue pour que cette expérience soit un succès. En échange, le logement, la nourriture, les soins médicaux et l’éducation sont gratuits.
Mais depuis quelques années, ce modèle est remis en question par certains habitants qui pensent que l’âme d’Auroville a disparu. De plus, la ville garde une grande part de business, ce qui est tout de même important pour eux, car cela leur permet de vivre, mais d’un autre côté cela montre qu’ils ont toujours besoin de cette aide extérieure.
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L’enfant aurovillien au cœur des préoccupations
L’enfant est au centre des préoccupations car il est la nouvelle génération aurevillienne.
Les adolescents appellent ce système de vie le « free education » qui permet de vivre à son rythme. Il est possible pour eux de rater autant de cours qu’ils veulent, mais ils doivent assumer leurs choix après. Le diplôme et les notes n’existent pas, ils doivent juste se prouver qu’ils peuvent le faire.
Beaucoup d’enfants des villages voisins viennent dans les écoles d’Auroville. Les habitants ne sont d’ailleurs pas contre, car ils sont éduqués d’une autre façon et apprennent des choses qu’ils n’apprendraient pas dans une école indienne. L’avenir dépend de l’éducation.
Avant, ces écoles utilisaient le système « du par cœur » mais maintenant, c’est plutôt une éducation « alternative » qui y est enseignée. 10 écoles aurovilliennes expérimentent différentes méthodes éducatives pour environ 600 enfants. Ils travaillent les matières de base : les mathématiques, la lecture, les sciences et apprennent trois langues en plus de l’anglais : le français, le tamoul et le sanskrit. Il est aussi possible de choisir d’apprendre d’autres langues comme le japonais, l’italien ou le coréen. Le programme des enseignements est plus axé sur les élèves et leur développement que sur les sujets.
Les adolescents peuvent choisir où ils veulent étudier par la suite, à Pondichéry ou dans le pays d’origine de leurs parents. Par exemple, dans une des écoles d’Auroville pour les adolescents à partir de 13 ans, ils peuvent y venir jusqu’à 18 ans et continuer après s’ils le souhaitent. Ils considèrent que chaque Aurovillien continue à être un adolescent tout au long de sa vie, en se recherchant. L’école est en endroit où il est constamment possible d’apprendre.
Visiter et habiter à Auroville aujourd’hui
Beaucoup de personnes viennent visiter Auroville et les Indiens aux alentours en profitent pour ouvrir des boutiques. Auroville sent qu’elle perd cette sensation de créer une nouvelle humanité dans leur monde. Pour pouvoir y rentrer, les touristes doivent se munir d’un visa touriste indien qui sert de ticket d’entrée. Également, ils doivent remplir un formulaire et se renseigner sur la culture et codes vestimentaires à respecter.
Chaque touriste, avant de pouvoir visiter Auroville, regarde un documentaire sur la construction d’Auroville. Il est possible pour eux de visiter le Matrimandir, mais dans un silence complet, car c’est un lieu de méditation. S’ils veulent méditer, ils doivent réserver leur place parce qu’ ils ne sont pas Aurovilliens.
Il est possible pour des touristes de devenir Aurovillien mais cela est très compliqué. Ils sont considérés durant une période probatoire comme « nouveaux arrivants ». Ils doivent alors travailler bénévolement pour la communauté selon leurs envies. Aussi, ils doivent respecter certaines règles de la communauté : pas d’alcool, pas de drogue, pas de tabac, pas de voiture. Leurs convictions politiques ou tout signe religieux ne doit pas être affiché, voire ils doivent y renoncer. Enfin, ils est interdit de faire de bruit après 22 heures car certains Aurovilliens âgés se couchent tôt.
Pour se loger, ces visiteurs payent une chambre entre 8 € et 60 € la nuit. Cet argent sera remis à la fondation d’Auroville ou bien payera les charges.
Pour aller plus loin: Géo, Inde : comment devenir un habitant de la cité utopique d'Auroville ?
Une situation particulière avec le coronavirus
En raison de la propagation de la Covid-19, Auroville a pris certaines mesures. Dans un communiqué de presse publié sur leur site, ils indiquent plusieurs points :
- Les écoles ne ferment pas et fonctionnent normalement à partir du 3 janvier.
- Les salles de réunions pourront être utilisées pour les activités autorisées.
- Les événements et rassemblements sociaux sont interdits y comprit lors des fêtes du 31 décembre et 1er janvier.
Les Aurovilliens portent le masque et appliquent les gestes barrières.
Les touristes voulant visiter Auroville doivent effectuer une quarantaine de 7 jours après leur arrivée et faire un test PCR le 8ème jour.
Le bien-être compte avant tout. Les Aurovilliens sont constamment partagés entre l’idéal et la réalité. Ces personnes essayent de vivre le monde qu’elles veulent changer. Cette ville utopique qui parait inatteignable peut être atteinte ou du moins il serait possible de s’en approcher parce qu'elle devient de plus en plus concrète. Et comme le disent les Aurovilliens, « la beauté de l’aventure n’est qu’à chaque pas et on ignore quel sera le suivant ».
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