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A vous de jouer !

1 mai 2021 6 01 /05 /mai /2021 17:54

Laissez-moi vous raconter une histoire qui a tout d’une légende urbaine : tout est parti du fin fond d’un internet naissant - sur un forum de discussion basé sur le groupe de rock psychédélique Pink Floyd, une drôle d’idée voit le jour…

Alors que l’album phare de Pink Floyd, The Dark Side of the Moon (la Face Cachée de la Lune) arbore fièrement son célèbre prisme, symbole de l’apogée du groupe et du rock progressif, une idée saugrenue associe ce dernier à un film des années 30, The Wizard of Oz (le Magicien d’Oz), de Victor Fleming.

Si d’apparence, les deux œuvres n’ont rien à voir l’une avec l’autre, que ce soit en termes de support, de thème, de décennie de parution, l’album de 1973 et le long-métrage de 1939 ne sont peut-être pas si éloignés que vous le pensez…

Si vous êtes de nature curieuse et que l’absurde coïncidence ne vous fait pas peur, osons nous aventurer sur la Face Cachée de l’Arc-en-ciel (The Dark Side of the Rainbow).

 

ça met le ton, hein

 

The Wizard of Oz et The Dark Side of the Moon, deux œuvres à part

affiche originale de The Wizard of Oz

The Wizard of Oz naît dans un premier temps sous la plume de Lyman Frank Baum, en 1900. Le roman narre l’histoire de Dorothy et de son petit chien Toto, qui sont transportés dans le monde merveilleux d’Oz quand une tornade emporte leur maison. Suivant les indications de la sorcière du Nord, la jeune fille emprunte un long chemin de briques jaunes dans le but de trouver le magicien d’Oz, le seul capable de la renvoyer dans son propre monde.

Ce sera Victor Fleming qui, pour la première fois, mettra des images sur les mots de Baum en orchestrant sa première adaptation cinématographique, sortie en 1939. Sorti en période de guerre, le film est un monument de l’histoire du cinéma Américain et de la pop-culture des années 40, au point d’être classé au Registre international Mémoire du Monde de l’UNESCO. Le film est, en 2009, selon la Bibliothèque du Congrès Américain, le film le plus vu au monde. C’est dire l’écho et l’impact qu’il a encore de nos jours ! De plus, de nombreuses références y sont régulièrement faites dans la pop-culture ; outre les suites officieuses (Oz the Great and Powerful (Le monde fantastique d’Oz), réalisé par Sam Raimi en 2013, ayant pour vocation de faire office de préquelle au film de 1939, cependant loin d’avoir trouvé son public), les clins d’œil se font tant dans les séries que dans les films (on retrouve régulièrement des phrases telles que « we’re not in Kansas anymore » (nous ne sommes plus au Kansas), l’une des plus célèbres répliques du film).

un prisme bien connu n'est-il pas

Quant à l’album iconique de Pink Floyd, il voit le jour près de 40 ans après. L’épopée lunaire se veut un voyage au sein de la psyché humaine, le reflet d’autant d’étapes de la vie, de la langueur et la futilité du temps qui passe au capitalisme et l’avidité qu’une trop rapide montée vers la gloire peut susciter. Les membres du groupe y exposent un reflet de leur implication artistique pendant leur ascension vers les étoiles. Considéré comme le plus abouti des albums du groupe, il rassemble sur un même vinyle des morceaux tous aussi différents que conceptuels, constituant le premier album réellement "à thème" du groupe, qui en fera par la suite sa marque de fabrique.

On est donc face à deux monuments culturels, chacun dans un domaine différent cependant. Mais où est le lien vous demandez-vous ?

 

dis-nous tout, Dorothy

 

Tendez l’oreille…

La rumeur naît sur le forum alt.music.pink-floyd, à partir de 1994, stipulant seulement que l’album et le film se complétaient étonnamment bien (comment l’utilisateur à l’origine de cette rumeur en est venu à regarder The Wizard of Oz en écoutant The Dark Side of the Moon, c'est un autre de mystère). Constatant qu’effectivement, l’album collait presque parfaitement en termes de rythme, de paroles, de pauses au film de 1939, les internautes donnent de la voix à la rumeur sur une toile à la résonnance encore limitée (rappelons-le, nous sommes en 1994, et l’usage d’internet est loin d’être démocratisé). La phase finale de la propagation de la rumeur trouve son apogée lorsqu’un DJ parle de la théorie en direct à la radio, intervention couplée par un article de Charlie Savage, futur reporter pour le New York Times, qui écrivait alors dans le journal local à propos de sa propre réception de la Face Cachée de l’Arc-en-Ciel – car c’est sous ce nom-là que la théorie sera démocratisée, The Dark Side of the Rainbow, ou alors The Wizard of Floyd, deux noms faisant à la fois écho au film, autant qu’au groupe et à l’album en question. Il est alors théorisé que, au milieu des différents degrés de compréhension possibles de l’album, les membres de Pink Floyd y ont glissé la possibilité d’écouter l’album comme une bande son alternative et psychédélique pour le film.

Mais qu’est ce qui rend la théorie si crédible ? Il suffit de tendre l’oreille ; pour les francophones non-familiarisés avec la langue de Shakespeare, le rythme sera la clé ; pour les anglophones, les paroles s’associeront étrangement bien avec ce qui se déroule à l’écran : « and balanced on the biggest wave » (balancé sur la plus grande vague) accompagne Dorothy qui joue à la funambule, quand « no one told you when to run » (personne ne t’a dit quand il fallait courir) survient alors qu’elle s’élance pour sauver son chien... Plus loin encore, l’avant-dernière piste Brain Damage (cerveau endommagé) se superpose à celle du film If only I had a brain (si seulement j’avais un cerveau). Et encore, ici ne sont présentés que certaines des plus marquantes coïncidences liant film et album. Ces si étranges coïncidences trouveront un tel écho par la suite que les membres de Pink Floyd auront à s’expliquer sur le processus de création de leur album. Ont-ils délibérément composé The Dark Side of the Moon pour proposer une bande-son alternative et psychédélique pour The Wizard of Oz ?

 

quels fringants jeunes hommes

 

La vérité derrière l’arc-en-ciel

Si Roger Waters, le bassiste et principal parolier de Pink Floyd, trouve la rumeur amusante, les quatre membres du groupe ont toujours nié un quelconque lien entre leur cheminement artistique et le film de 34. Un des ingénieurs du son ayant travaillé sur l’album, Alan Parsons, rajoutera même que le film n’a jamais été évoqué lors de la production de l’album.

Mais alors, pourquoi la théorie trouve encore de l’écho de nos jours ? Et pourquoi l’album semble prendre un malin plaisir à se mêler toujours mieux aux images, à troubler nos sens ?

La vérité pourrait être bien plus pragmatique qu’il n’y paraît, en comparaison aux fantasques et psychédéliques œuvres que sont The Wizard of Oz et The Dark Side of the Moon. Cette étrange association pourrait n’être que la pure création de notre cerveau, le fruit d’un phénomène que l’on nomme l’apophénie.

L’apophénie est l’altération de la perception, qui donne un autre sens à une chose que celui qu’elle a réellement ; cela explique que le cerveau perçoive une corrélation entre les paroles et les images qui ne sont que pure coïncidence. En cela, l’apophénie se rapproche du phénomène plus connu de la paréidolie, qui donne une image erronée à un objet aux contours non-définis (percevoir une forme dans les nuages par exemple). L’apophénie désigne plus simplement quelque chose qui n’est pas là. Cas qui s’applique alors à notre Dark Side of the Rainbow ; on a l’impression que l’album colle parfaitement aux images du film, alors que tout n’est qu’un tour de passe-passe de la part de notre esprit.

 

ça en bouche un coin, hein ?

 

Mais il faut croire que nous aimons ça, les tours de passe-passe, car près de 20 ans après la première apparition de cette théorie sur la toile, non seulement on en entend toujours parler mais il y a toujours des sceptiques pour voir des mensonges dans la bouche des membres de Pink Floyd. Car l’être humain apprécie, en ces temps toujours plus confus et pragmatiques à la fois, de conserver une part de mystère, de non-dits, et, qu’on se le dise, il vaut mieux qu’ils se confortent en se disant que ces sacrés Pink Floyd sont de petits cachotiers qu’en relayant des complots Si vous êtes d'accord, j'insèrerai ici un lien vers l'article sur le complotisme écrit par Guillaume tous plus tirés par les cheveux les uns que les autres sur leur page Facebook.

Alors posons-nous le temps d’un film, d’un livre, d’un album, combinons-les pourquoi pas ensemble, et embarquons dans un voyage onirique et psychédélique sur la face cachée du monde d’Oz.

 

Pour aller plus loin, on n'hésite pas à regarder la vidéo du Fossoyeur de Films sur les légendes urbaines du cinéma, pour pimenter un peu son approche aux images mouvantes.

Et évidemment, on regarde The Dark Side of the Rainbow pour se faire une idée du phénomène, en complément de l’écoute de l’album et du visionnage du film original !

 

Jade P.

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