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16 décembre 2017 6 16 /12 /décembre /2017 21:39

La couverture d'un livre, notamment en littérature, est à la fois un acte de séduction du consommateur, et une expression de la personnalité de l'éditeur. Pour s'assurer de son efficacité sur les ventes et sur l'image de la maison, un travail exigeant peut avoir lieu, jouant sur avec codes existants afin de se rendre reconnaissable ou d'affirmer une ambition. Nous allons examiner ce qu'il est est pour quelques collection dans des genres variés : SF, littérature blanche, et romance.

 

Une couverture qui reprend les codes du genre auquel le livre appartient permet d’être immédiatement reconnaissable des fans, mais aliène aussi les lecteurs qui s’aventurent peu dans le genre en question. Ce type de problématique occupe les éditeurs de littérature blanche comme ceux de science-fiction, les premiers plus adeptes de couvertures typographiques sobres, et les seconds de couvertures illustrées et représentatives en pleine page. S’allier deux lectorats différents et à l’esthétique divergente est un jeu d’équilibre décourageant beaucoup de maisons qui se replient alors sur les codes établis. La collection « Une Heure lumière » des éditions Le Bélial fait exception : à la fois sobre et imagée, reconnaissable mais chaque fois différente, parfaite pour redonner à la SF ses lettres de noblesse en conquérant des lecteurs hésitants.

Le filtre de particules noires tachant le fond, le logo de la maison et le nom de la collection, sont des constantes qui permettent une identification rapide. Le nom de l’auteur et le titre, toujours à la même place et dans la même police d’écriture, rappellent la mise en page des couvertures typographiques plus traditionnelles. Seule la couleur employée, variable, relie le logo, le titre et l’image. Cette dernière devient d’autant plus puissante qu’elle n’occupe qu’une partie de la couverture au lieu de sa totalité ; elle se place sur fond blanc pour être plus sobre, moins agressive qu’à l’accoutumé dans ce genre littéraire, et pour mieux affirmer sa dimension artistique, due au travail du très prisé Aurélien Police. Elle évoque une atmosphère plutôt qu’un élément de l’intrigue, et ressort par son niveau de détail et l’unité de ton dans les couleurs employées ; elle ressemble à un fragment extrait d’une réalité plus grande qu’elle laisserait deviner.

 

On peut aussi choisir de reprendre les codes traditionnels – surtout lorsqu’ils ont plus d’avantages que d’inconvénients – en y apportant une touche de modernité. C’est le cas chez Sabine Wespieser, qui s’inscrit dans la tradition française des couvertures typographiques sobres et minimalistes. Ce style graphique impose une image de sérieux et d’exigence car il prétend négliger l’apparence de l’objet pour mieux se concentrer sur la qualité du texte. Il permet aussi de laisser le lecteur vierge de toute image extérieure qui viendrait en changer sa perception, de ne pas laisser d’illustration parasiter l’imagination. Le texte devient la seule référence sur laquelle juger le livre, sans avis préconçu. Cette neutralité visuelle, combinée à « la qualité des matériaux, la rigidité de la couverture, le fait que le livre soit cousu, solide, […] participe à une volonté de favoriser la théâtralisation de l’entrée dans le texte ».

Autre argument en faveur de ce type de couverture : la volatilité du goût au fil du temps. Les illustrations à la mode hier ne sont pas les mêmes qu’aujourd’hui ou demain. Ce minimalisme permet de s’inscrire plus facilement dans le temps, et comme le dit l’éditrice, « que les livres s’installent dans les bibliothèques et qu’ils puissent y rester longtemps ». Cependant, quelques caractéristiques contemporaines différencient ces couvertures des plus anciennes qui les ont inspirées : le surlignage coloré aléatoirement du titre et de l’auteur, et la police d’écriture épaisse sans empattement – jusqu’alors employée dans la publicité, les journaux, ou le numérique. Preuve que l’on peut encore faire évoluer les vieux modèles.

 

Parlons maintenant de la romance. Plus exactement, l’érotisme. Ce genre tabou caché dans les librairies indépendantes et bibliothèques. Pourtant, il est fascinant de voir les auteurs arriver à poser des mots sur des sentiments quasiment impossibles à détailler avec finesse. Nous allons vous présenter deux collections particulières de ce genre de littérature.

Commençons par une collection que beaucoup de lecteurs et lectrices connaissent : Hugo romance aux éditions Hugo & Cie. Avant tout, il faut savoir que le public cible de cette maison sont les adolescentes et jeunes femmes. En effet, les couvertures possèdent un filtre ce qui permet de créer une atmosphère intime autour des personnages mais aussi de ne pas choquer le lectorat avec des livres crus. Cette collection ne contient quasiment que des séries de livres. Les couvertures sont reconnaissables par plusieurs moyens. Tout d’abord, l’image des différents tomes est toujours la même. Prenez les After, la couverture (typographie, image, petite phrase d’accroche) est identique, seule la couleur change.

Ensuite, la couverture peut varier de façon minimale entre les différents tomes comme les Calendar Girl. En effet, les silhouettes de femmes changent de positions au fil des livres et la couleur diffère. Par ailleurs, la charte graphique reste rapidement identifiable par les clients.

Ou alors, une série peut comporter des éléments répétés qui permettent d’identifier immédiatement les autres tomes mais comporte également des paramètres différents. Marked men en est le parfait exemple. On retrouve une rose colorée en haut à gauche de la couverture, une phrase d’accroche au milieu, le titre en bas avec le même style et des tatouages sur les personnages. Par ailleurs, ces derniers varient tout comme les couleurs. Les images mettent en avant soit une femme, ou un homme, soit un couple.

Pour résumer, la collection Hugo romance utilise des repères visuels quasiment identiques pour faciliter la distinction de Hugo & Cie des autres maisons d’édition érotiques aux yeux des clients. Les couvertures possèdent généralement deux couleurs, une sombre (gris et noir) et une vive (rose, bleu clair…). Par ailleurs, on peut noter de légères variations entres les différents tomes pour ne pas lasser les amateurs et amatrices. Cette collection offre une « pré-ambiance » du livre par ses filtres.

Parlons dorénavant d’une maison d’édition moins connue du public : Tabou Éditions, avec sa collection Jardins de Priape. Elle s’adresse à des femmes plus matures. Ce qui est visible par des couvertures comportant une photo très nette et de bonne qualité. Il n’y a pas de filtre. Les illustrations mettent en scène surtout des femmes, montrées le plus naturellement possible. Elles ne sont pas dans des positions suggestives. La beauté est omniprésente. 

La femme est en symbiose avec la couleur de la couverture. En effet, cette collection utilise un ton unique avec un panel de couleurs très proches les unes des autres. Son originalité est le travail artistique réalisé sur les couvertures. Il y a un jeu sur les lumières notamment sur le clair/obscur qui met en valeur la femme.

C’est le mélange de ces photos nettes avec des couleurs réfléchies, et ce côté artistique, qui composent cette atmosphère singulière des Jardins de Priape. Le travail sur les couvertures est important. On pourrait les comparer à un tableau qu’on aimerait posséder. En effet, ces couvertures peuvent susciter le désir d’acheter, avoir un beau livre dans sa bibliothèque personnelle est toujours une satisfaction et une fierté.

Ses deux maisons d’édition défendent leurs lignes éditoriales par des chartes graphiques uniques. Hugo romance mise sur la reconnaissance immédiate de ses livres sur le marché. Cette collection est tournée vers un public d’adolescentes ou de jeunes femmes. Tandis que Jardins de Priape joue plus sur un côté artistique. Elle est destinée à des amatrices d’érotisme ayant un niveau de lecture plus développé. Ces livres possèdent un langage soutenu avec de nombreuses références littéraires. Les auteurs peuvent mélanger une scène érotique avec un discours intellectuel et comique à la fois.

 

 

 

 

 

 

 

Enfin, voyons le cas d'une collection au format de poche qui se distingue sur un marché où la concurrence fait rage : Babel, des éditions Actes Sud. Leurs illustration pleine page sont caractérisées par une unité de ton et une deuxième couleur qui joue sur les contrastes. Par exemple, la couverture du roman de Kamel Daoud, Meursault contre-enquête, la couleur prédominante est le jaune. L’opposition entre le clair et l’obscur met en valeur un élément particulier, ici un homme en noir marchant seul sur la plage. Le jeu de lumière attire le regarde. Le Syndrome Indigo, de Clzmens J.Setz joue aussi ce contraste avec du gris, du blanc, et des papillons multicolores.

 

Si la police d’écriture et la mise en page du nom de l’auteur, du titre, et du nom du traducteur, restent identiques pour toute la collection, l’illustration quant à elle change à chaque titre. Elle peut employer des techniques picturales diverses. L’exemple ci-contre, de Jaume Cabré présente une couverture basée sur une peinture et non une photographie ou un dessin. On y retrouve le clair / obscur, pour mettre en avant des personnages évocateurs. L’atmosphère de l’illustration donne un avant-goût celle du livre.

La collection Babel se caractérise donc par des images épurées, aux couleurs sobres, contrastant avec celles, plus racoleuses, de maisons d’édition concurrentes, qui font étalage de couleurs chatoyantes. Le pelliculage contribue aussi à cet effet, puisqu’il est mat au lieu d’être brillant. L’effet recherché peut être d’afficher, dans la tradition des couvertures françaises, une sobriété synonyme de sérieux. En reprenant les couvertures qui ont fait le succès des grands formats d’Actes Sud, Babel se crée une notoriété sur le marché du livre de poche, à laquelle le prix plus élevé des ouvrages – dû à leur qualité de fabrication – n’a rien enlevé.

 

Pour conclure, tous les éditeurs choisissent et jouent sur les codes graphiques pour s’imposer. Ils peuvent s’inspirer des chartes graphiques déjà existantes pour créer la leur. En effet, certaines couvertures se ressemblent comme Sabine Wespieser et Gallimard. D’autres préfèrent s’en éloigner pour affirmer leur ligne éditoriale, comme la collection « Jardins de Priape » de Tabou éditions ou la collection « Une Heure lumière » des éditions Le Bélial. Nous vous avons fourni quelques exemples de ces chartes graphiques singulières, mais nous aurions pu en citer d’autres telles que celles de Zulma, du Diable Vauvert, du Tripode, ou de Monsieur Toussaint Louverture. À charge pour vous d’aller les voir en librairie !

 

Lionel Minotti, Marie Seignoret, Lawrence Taboulet.

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