Cela fait quelques années maintenant que les femmes désirent se distancier de la représentation « idéale » du corps féminin. On voit fleurir sur les réseaux sociaux, par des manifestations (allant jusqu’au collage d’affiches) ou par des expositions, une image nouvelle dont s’habillent les femmes. On parle alors de body-positivism (terme à prendre avec des pincettes, selon certaines activistes car celles-ci préfèrent se désigner comme « neutre » par rapport à leur corps) ou de neutral-body.
Le body-positivism ou neutral-body
Cette notion transmet l’idée d’un renversement des codes sociaux : non la cellulite n’est pas laide, non le double-menton ne doit pas être banni, non ce pli au ventre quand on s’assoit n’est pas une honte… Toutes ces inquiétudes, tous ces questionnements, traduisent l’idée qu’une femme doit être parfaite, belle, lisse, sans graisse, sans défaut, et doit se réveiller le matin avec une haleine mentholée et un maquillage discret mais élégant.
Avoir des kilos en trop n’est pas toujours une maladie grave, être maigre n’est pas un vecteur de beauté et peut même être le signe d’une malnutrition importante.
Ces femmes exposent d’ailleurs le terme de « troubles du comportement alimentaire » ou dysmorphophobie. La plupart des activistes qui défendent leur corps mentionnent que dans leur passé elles se sont affamées et contrôlées afin de coller aux standards de beauté forgés par la société. Elles postent souvent sur Instagram – le réseau social le plus centré sur l’image de nos jours, des photos avant-après qui montrent leur corps amaigri et leur corps aujourd’hui… avec des formes ! Car ces formes sont signes de bonne santé. Mens sana in corpore sano, comme dirait Juvénal. On peut citer la canadienne Sarah Nicole Landry aka @thebirdspapaya ou la berlinoise @namastehannah dont le travail inspire des millions de femmes et d’hommes.
Le body-positivism ou neutral-body est un mouvement construit autour de l’acceptation de son corps. Le body-positivism prône l’amour de son corps, de ce qu’il apporte, de ce pouvoir qu’il détient, tandis que le neutral-body proclame que l’on n’a pas à « aimer » son corps, qu’il suffit juste de l’accepter. D’accepter le fait que tel jour il nous plaira, et que le lendemain on n’en verra que les défauts. Et alors ?
Le corps sexualisé ? On dit stop !
Un ouvrage que j’ai lu : Seins de Camille Froideveaux-Matterie (Anamosa, 2020, 224 p.), rapporte l’idée que la poitrine des femmes sera toujours la partie du corps la plus sexualisée, bien plus que le torse ou le sexe chez les hommes, et qu’il est très difficile de faire changer toutes les idées reçues qu’ont les individus sur les corps des femmes.
Avec le mouvement #metoo, une vague de mécontentement a émergé et décidé qu’il était temps de dénoncer et d’arrêter de voir les corps féminins comme des vices dont on ne peut détourner les yeux, voire qui imposent des gestes et des propos déplacés. Les témoignages fusent alors sur les réseaux sociaux avec les pages comme Paye Ta Shnek (qui vient de fermer ses portes après sept ans d’actions antisexistes) ou les bandes dessinées Les Crocodiles et Les Crocodiles sont toujours là, dérivées d’un site internet.
Les femmes ne se cachent plus et n’hésitent pas à signaler leur exaspération face à la misogynie récurrente. Le mouvement Pépite Sexiste met les enseignes, journaux, marques face à leur sexisme en les affichant sur ses réseaux sociaux, aidé par les anonymes et fait petit à petit changer les choses…
Avec l’idée de la « tenue républicaine » prônée par Jean-Michel Blanquer, un nouveau débat s’installe depuis quelques mois en France. Pourquoi ce sont les femmes, voire les filles, qui doivent s’habiller « correctement » (et puis, c’est quoi « correctement » ?) alors que ce sont visiblement les hommes et les garçons qui semblent mal éduqués ?
A ce propos, des témoignages importants de la part des hommes montrent qu’ils en ont marre d’être vus comme des assoiffés de sexe qui ne savent pas se contrôler. Et si finalement, on avait tout faux ?
Le corps est tout d’abord utile. Il nous sert à manger, boire, pour celles qui le désirent donner la vie, prendre du plaisir, vivre tout simplement.
La sexualité vu par les femmes…
On sexualise le corps des femmes, ces dernières disent stop. Mais aussi, elles se révoltent et prennent en main leur propre sexualité. Jouir de Sarah Barmak (La Découverte, 2019, 208 p., Zones) est la représentation de toutes les formes de jouissance chez les femmes. Avec le désir de montrer que la société qui les voit comme des objets sexuels ne les incite même pas à trouver leur propre plaisir.
Cette société « phalocentrée » est décodée, détaillée, disséquée pour finalement être retravaillée afin que les femmes soient mises au centre de leur désir sexuel : on voit fleurir des témoignages comme ceux de Camille Aumont Carnel (alias @jemenbatsleclito sur Instagram), la dessinatrice espagnole Maria Hesse ou la chroniqueuse Maïa Mazaurette qui racontent leurs cheminements personnels tout en devenant les voix de milliers de femmes qui s’y reconnaissent, tout en incluant les personnes LGBTQA+.
Cette année est sorti Jouissance Club de June Plä (Marabout, 2020, 224 p.) qui dévoile toutes les positions et caresses que l’on peut procurer à l’autre sans pénétration. Ce livre a fait un tollé et est désormais traduit dans plusieurs langues afin de divulguer son savoir à l’échelle internationale. Le sexe n’est plus un tabou et est vu comme une libération, la même que dans les années 70, le mode d’emploi en plus.
Si vous lisez ce texte, entrez dans la danse et arrêtez de craindre les corps des femmes : le vôtre ou celui des autres. Cette chair, ces os, ces muscles sont utiles et beaux et il suffit simplement de l’accepter et d’en jouir.
Pour aller plus loin : Les sites de témoignages comme « Paye Ton/Ta », les pages Instagram de @coucoulesgirls, @noustoutesorg, @gangduclito, @clemityjane ou @mashasexplique, les vidéastes Léa Bordier (et sa série Cher Corps) ou Marion Séclin, et encore tellement d’autres alors n’hésitez pas à fouiner !
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